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Libération
Critique

Manns fait cavalier seul. Dans la lignée de Coloane, la fuite en Terre de Feu, en passant par le Paris de Verlaine et Rimbaud, d'un explorateur et charlatan. Aventure et introspection par Patricio Manns. PATRICIO MANNS. Cavalier seul. Traduit de l'espagnol (Chili) par François Gaudry. Phébus, 280 pp., 139 F.

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publié le 6 juin 1996 à 7h18

Qui était en réalité ce Julio Popper, «véritable ingénieur,

chercheur d'or, homme d'action, intellectuel, franc-maçon, futur militant de l'Union civique radicale argentine, juif renégat, explorateur, géographe, voyageur solitaire, célibataire endurci, fanfaron, raciste, psychologiquement complexe et de toute évidence prisonnier d'une perpétuelle attitude défensive... et opiniâtre exterminateur de la race Selk'nam»? Ce Julio Popper qui hante le roman de Patricio Manns et, avant lui, les récits de Francisco Coloane, qui gouverna les territoires dont personne ne voudrait même s'ils étaient offerts en cadeau, ceux de la Terre de Feu, au sud du Sud, aux confins du monde, au cul du monde, comme disent les Chiliens et les Argentins. Patricio Manns ne tranche pas entre tous ces attributs. C'est un héros et un anti-héros, un persécuté et un raciste, un explorateur et un charlatan. A l'Histoire et au lecteur de juger. Lui se contente de raconter.

Ce qui intéresse Julio Popper, ce ne sont pas les raisons qui l'ont amené à quitter sa Roumanie natale pour aller se perdre là où rien, surtout pas une contrainte morale, ne pouvait l'atteindre, mais l'histoire d'amour entre le geôlier (Popper) et sa prisonnière, une Indienne Selk'nam capturée à deux pas du corps de son frère que «l'ingénieur» venait de tuer. La jeune Selk' nam a une longue chevelure blanche et connaît toutes les langues, car elle a déjà été vendue comme esclave et a reçu une éducation européenne. Elle court plus vite que le pl