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Libération
Critique

Un athée au Sahara. L'équipée à Tombouctou de René Caillié, né en 1789, dont les souffrances rappellent celles des héros de Bowles. RENÉ CAILLIÉ Voyage à Tombouctou. La Découverte, «Poche», 2 tomes, 378 et 406 pp., 75 F chaque.

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publié le 13 juin 1996 à 6h57

Ce qui impressionne très vite, c'est le désarroi spirituel d'un

voyageur qui ne sait pas vraiment ce qu'il fait. René Caillié, né en 1789, tôt orphelin et formé à la seule école gratuite de son village, le confesse lui-même d'entrée de jeu: «L'entière conviction que j'avais de l'insuffisance de mes moyens m'affligeait souvent, quand je songeais à tout ce qui me manquait pour remplir la tâche que je m'étais imposée.» L'adolescent solitaire n'a pour bagage qu'une passion de l'aventure, qu'il affermit par la lecture de «l'histoire de Robinson», des livres de géographie et des récits de voyages. Sur les cartes d'Afrique, il rêve d'une cité mythique, plantée en plein désert: «La ville de Tombouctou devint l'objet de toutes mes pensées, le but de tous mes efforts.» Sans un rond en poche, il s'embarque à 18 ans pour le Sénégal, et participe aussitôt à une expédition hasardeuse à l'intérieur des terres.

A la lecture de son récit, rédigé bien des années plus tard, on est déjà stupéfait par une ignorance qui confine à l'innocence, et qui semble être le lot commun de tous les Européens, y compris les chefs d'expédition galonnés, anglais ou français: la préparation est inexistante, la troupe manque d'eau au bout de quelques jours (certains boiront leur urine pour survivre), les hommes ont les pieds atrocement blessés par la marche, beaucoup succombent à des fièvres, et René Caillé n'échappe pas aux premières manifestations du paludisme ( il mour- ra du scorbut). L'inadaptation est égale