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Critique

Problèmes de fin de moi.Pour Ernst Mach (1838-1916), le monde de la conscience n'est constitué que de sensations, et il faut dissoudre le moi pour aboutir à une vie libre et inspirée. ERNST MACH. L'Analyse des sensations. Traduit de l'allemand et préfacé par Jean-Maurice Monnoyer. Editions Jacqueline Chambon, «Rayon philo», 326 pp., 190 F.

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publié le 20 juin 1996 à 6h14

Le Viennois Ernst Mach (1838-1916) était d'abord un physicien. Il

fut le père du calcul de la vitesse du son et son patronyme fut choisi (après sa mort), pour dénommer l'unité de mesure des avions supersoniques ­ «Mach 1», «Mach 2». Il a fasciné ses contemporains: non seulement Freud qui fut sensible à l'impératif d'une psychologie «scientifique», mais aussi Einstein, qui le cite dans son premier grand texte sur la relativité comme un précurseur incontestable.

Expérimentateur, il a conçu et construit la première «chaise centrifugeuse» et démontré l'existence d'une «géométrie optique» différente de l'espace euclidien, illustrée en particulier par un dessin célèbre représentant la «vision du Moi» telle qu'elle apparaît lorsqu'on ferme un oeil: un bord de ce dessin est délimité par des lignes qui ne répondent pas aux lois de la perspective, mais aux courbes de l'arcade sourcilière et de l'arête du nez.

Mach a également joué un rôle dans l'histoire de la philosophie. Opposé à Kant, dont il rejette la théorie du «sujet transcendantal», il s'est réclamé tant de la pensée de Hume... que de celle de Berkeley. Le mélange d'«idéalisme critique» et d'empirisme que donnent ces lectures a surtout rapproché Mach du philosophe contemporain Avenarius, fondateur de l'«empiriocriticisme». Le «premier» Cercle de Vienne, qui s'était baptisé «Association E. Mach» (de 1907 à 1914), et qui entendait promouvoir une «vision scientifique» appliquée aux mondes physique, social et psychique, était à cet