Envisagée au jour le jour, la correspondance de Jean Paulhan, dont
Gallimard publie aujourd'hui le dernier volume, peut sembler un tissu de contradictions, de faux-fuyants, de ruses diplomatiques. Son évolution politique, surtout, apparaît comme assez sinueuse: on le voit passer d'une sainte indignation (lorsqu'il explique à Vercors, en 1946, sa démission d'un Comité national des écrivains transformé en cour de justice) à de moins avouables louvoiements; on s'étonne du voisinage entre une lettre vengeresse à Vincent Auriol (où, reprenant ses arguments de la Lettre aux directeurs de la Résistance, il incrimine les flottements qui ont favorisé l'avènement de Pétain) et l'amende honorable qu'il adresse à Charles Maurras... Mais c'est que Paulhan prend un malin plaisir à éluder toute bonne conscience, toute rhétorique univoque, en ne cessant de leur opposer l'ambiguïté des êtres et des circonstances. C'est ainsi qu'après avoir été plutôt partisan de l'Algérie française, il se ralliera au général de Gaulle, en qui il voit (ainsi qu'il l'écrit à Maurice Blanchot) l'incarnation anti-dogmatique de l'homme de la rue; c'est ainsi qu'il se laissera élire en 1963 à l'Académie française (au fauteuil de Pierre Benoit!), non sans garder un sourire en coin à l'endroit de ses «collègues» et de cette consécration paradoxale, pour l'homme qui vient de préfacer Histoire d'O...
D'une certaine manière, la correspondance s'avère le lieu privilégié pour que s'exprime ce goût du paradoxe-puisqu'elle p