Avec la Fête républicaine, prolongement explicite de l'ouvrage que
Mona Ozouf consacra, il y a juste vingt ans, à la Fête révolutionnaire, Olivier Ihl nous offre aujourd'hui, dans le sillage des travaux de Maurice Aguhlon, une ample réflexion sur la façon dont s'opéra, en France, «la rencontre entre la République, la Nation et les fêtes». Centrée sur les années 1880-1900, cette période fondatrice qui vit les républicains, désormais maîtres du pouvoir, ordonner la scénographie politique du nouveau régime, son livre est aussi une contribution à la genèse intellectuelle du «modèle» républicain.
Alchimie complexe, la fête républicaine obéissait en effet à un cahier des charges contraignant. A l'égard de l'héritage révolutionnaire d'abord, qu'il convenait de revendiquer, mais aussi de purger de toute dimension «subversive». A l'égard surtout du principe républicain, que la fête se devait de défendre et d'illustrer. Or comment figurer, dans le désordre de la liesse collective, un lien politique pensé comme libre consentement d'individus autonomes? L'entreprise était d'autant plus malaisée qu'on s'accorda à bannir toute solennité d'inspiration religieuse. Un temps relancée par Albert Mathiez, l'idée chère à Rousseau d'une religion civile fut en effet rapidement récusée au nom de la lutte contre l'idolâtrie (on alla jusqu'à suspecter Marianne d'être une Madone déguisée et le défilé une procession camouflée). Ne possédant ni corps mystique, ni «père fondateur», ni même «grand homme» (