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Critique

Quoi de neuf Doctorow? L' Américain diabolique que ne renierait pas Edgar Poe descend dans le dédale des âmes et des bas-fonds d'un Manhattan fin de siècle. E.L. DOCTOROW. La Machine d'eau de Manhattan.Traduit de l'américain par Michel Lederer. Flammarion, 248 pp., 135 F.

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publié le 5 septembre 1996 à 22h43

Jamais autant qu'avec son dernier livre, la Machine d'eau de

Manhattan, le romancier américain E.L. Doctorow n'aura mérité le prénom d'Edgar, hommage de ses parents à Edgar Allan Poe. Né dans le Bronx, à New York, en 1931, d'une famille de Juifs russes ayant traversé l'Atlantique vers la fin du siècle dernier et très portée sur les livres, le garçon dévore les oeuvres des pères fondateurs de la littérature américaine. Au cours de ses études à Kenyon College, dans l'Ohio, il découvre Dos Passos et s'éprend de la langue éblouissante de ce Gershwin des lettres. Balançant entre la réflexion analytique et l'obsession avouée pour les scénarii artificieux mais fascinants des films de télévision ­ il sera lecteur de scripts pour CBS dans les années 50 ­, le talent de Doctorow se déploie dès 1960 avec un roman intitulé Welcome to Hard Times. Il s'agit d'un faux western ayant pour cadre le Nebraska des premières années du XXe siècle et composé en référence ironique aux innombrables découpages de films lus par le jeune romancier.

Au cours des années suivantes, celui-ci se contentera pourtant d'être éditeur ­ notamment de William Kennedy ­, avant de revenir à la littérature en 1971 avec le Livre de Daniel, transposition romancée de l'affaire Rosenberg ­ ce couple traqué par le FBI, puis exécuté en 1951. Edgar mêle à ce récit engagé sa propre histoire d'enfant du Bronx en proie à la perte de l'innocence américaine. Le paysage de la fiction doctorienne est déjà celui d'un New York fantasma