Les Français sont frivoles, les Italiens individualistes, les
Allemands aiment l'ordre, les Anglais la tradition, les Espagnols sont fiers, les Chinois fourbes" autant de jugements du sens commun sur lesquels la philosophie semble avoir peu de prise. Et pourtant, comme le montre Marc Crépon dans les Géographies de l'esprit, il y a eu un moment où la philosophie a bien rencontré l'opinion commune au sujet de la diversité des peuples, de leurs langues, de leurs moeurs, de leurs religions. A travers tout le XVIIIe siècle, de Voltaire et Buffon jusqu'à Hegel, Marc Crépon, docteur agrégé en philosophie, a mené une patiente enquête pour reconstruire les différentes façons d'aborder ce qu'il appelle le «problème de la diversité humaine». Problème philosophique nouveau, car pour l'Antiquité grecque, par exemple, ce sujet ne suscitait aucune interrogation particulière, l'opposition entre le citoyen et l'ensemble des autres hommes étant alors on ne peut plus nette. Cinq typologies sont ainsi répertoriées et discutées: celle des Lumières, posant l'Europe comme modèle, celle, patriotique, de Herder et en partie de Leibniz, le cosmopolitisme de Kant, le messianisme de Fichte et des romantiques allemands et, enfin, le systématisme de Hegel et de Humboldt.
Les Lumières inaugurent donc le discours philosophique sur la diversité humaine, et la constituent en problème. Comme un simple constat, l'anthropologie d'un Buffon ou d'un Voltaire peut affirmer sans détour la suprématie d'une race (la bl