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Libération
Critique

Un point d'honneur. Après les événements qui opposèrent en 1942 les troupes de Vichy aux Anglo-Américains, Lucien Febvre a mené une réflexion inachevée sur les contradictions du sentiment national. Lucien Febvre Honneur et patrie Texte établi, présenté et annoté par Thérèse Charmasson et Brigitte Mazon. Librairie académique Perrin, 324 pp., 139F.

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publié le 3 octobre 1996 à 23h35

Le 8 novembre 1942, conformément aux ordres des autorités de Vichy,

des soldats français ouvrirent le feu sur les troupes anglo-américaines qui débarquaient à Alger, à Oran ou à Casablanca. D'autres Français, dans le même temps, faisaient le choix inverse en rejoignant de Gaulle à Londres ou Leclerc en Libye. Pour Lucien Febvre, qui les vécut douloureusement, ces événements constituaient aussi une question de «pure histoire». Comment comprendre en effet que ces soldats, qui empruntaient des voies si opposées, aient eu de part et d'autre le sentiment d'obéir à ces mêmes mots qui ornaient leurs drapeaux: Honneur et Patrie? «Signifiaient-ils vraiment la même chose dans ce qu'il faut bien nommer les deux camps?» De ces deux notions, dans lesquelles il voyait «les deux sources du sentiment national en France», Lucien Febvre fit le sujet de son cours au Collège de France de 1945 à 1947. Il projetait d'en faire un livre, que la mort interrompit en 1956. C'est ce livre qui nous est aujourd'hui proposé par Brigitte Mazon et Thérèse Charmasson, maîtres d'oeuvre de l'édition.

Il ne s'agit cependant pas d'un ouvrage ordinaire. En raison de son histoire tout d'abord, car le manuscrit, réputé introuvable depuis la mort de son auteur, alimenta longtemps les ragots dans le Landerneau des Annales, avant d'être finalement retrouvé par François Furet en 1987, parmi des caisses d'archives déménagées par erreur de l'Ecole des hautes études au château normand des Tocqueville. Mais le livre est aus