Colli a été l'ange gardien de Nietzsche. En publiant ses oeuvres, il
l'a sorti de l'enfer et du paradis où l'avaient placé des lecteurs emportés par trop de malveillance ou d'amour. Bref, en lui donnant une autre chance, il a inventé une nouvelle existence pour Nietzsche. Giorgio Colli (1917-1979) et Friedrich Nietzsche (1844-1900) ont également en commun d'avoir été définitivement inactuels. Mais là où l'Allemand a vécu malheureusement sa condition d'exilé dans une époque qu'il ne parvint jamais à faire sienne et a sombré dans la folie, l'Italien a considéré l'inactualité comme la condition ordinaire du philosophe et en a fait le ressort rageur et joyeux à la fois de sa propre philosophie. C'est à double titre, donc, que Colli arpente le chemin de Nietzsche. D'abord parce qu'il réalise, avec Mazzino Montinari, l'édition des oeuvres complètes (en France, chez Gallimard) du philosophe allemand. Ensuite parce qu'en publiant la monumentale édition des textes présocratiques (les trois volumes de la sagesse grecque, Editions de l'éclat, 1990-1992), il ne renie pas la philologie et demeure ainsi en ce lieu que Nietzsche crut bon devoir quitter. Les Ecrits sur Nietzsche publiés aujourd'hui sont une introduction essentielle: aux oeuvres de Nietzsche, littéralement, au sens où il s'agit des préfaces aux livres de ce dernier que Colli fait paraître entre 1959 et 1978; à l'oeuvre également, dans la mesure où ces Ecrits font émerger la foncière cohérence du plus contradictoire et mal