Je suis née en 1940 dans un harem à Fès"» Ainsi commence le récit de
Fatima Mernissi, premier témoignage d'une femme musulmane sur l'univers clos et pitoyable du harem. Le harem dont il est question ici n'est pas à l'image de ceux d'Orient, peuplés de houris et égayés d'eunuques et de nuits bacchanales; il s'agit plutôt d'un mini-palais corseté de remparts et dépourvu de plaisirs, un enclos dans lequel cohabitent tant bien que mal une flopée de femmes: l'épouse, la bru, les tantes divorcées ou en froid avec leur mari, etc. Deux hommes, le père de l'auteur et son oncle, deux notables de Fès, par ailleurs monogames, y règnent à coups d'interdits. De son père, l'auteur garde l'image d'un misogyne pétri de tradition, pour lequel les femmes et les roumis, les chrétiens, c'est du pareil au même, les deux sont à ses yeux responsables des maux du Maroc et des musulmans! «Quand Allah a créé la terre, dit-il à sa fille, il avait de bonnes raisons pour séparer les hommes des femmes, et déployer toute une mer entre chrétiens et musulmans.» L'ordre et l'harmonie n'existent que lorsque chaque groupe respecte les hudud (les frontières entre le licite et l'illicite). La vie au harem sera donc régentée selon cette morale spartiate: sorties interdites, tenue vestimentaire contrôlée, même l'enseignement coranique sera dispensé par une femme, etc. L'envie de franchir le portail imposant devient l'obsession de toutes les femmes.
Faute d'échappée, les rêves, les contes, notamment les Mille et Une N