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Libération
Critique

Primo Levi ou le mal de dire

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Première biographie de l’auteur de «Si c’est un homme», rescapé d’Auschwitz pris en tenailles entre le devoir de dire et la souffrance d’écrire.
publié le 7 novembre 1996 à 1h56

Si c’est un homme occupe une place centrale dans la littérature de témoignage sur l’extermination des juifs d’Europe et l’univers concentrationnaire. Mais ce livre, publié par Primo Levi en 1947, a attendu l’édition de 1958 pour commencer à être lu et une bonne dizaine d’années encore pour connaître un succès mondial. Finalement, la renommée de l’auteur en Italie aura été contemporaine de celle qui a suivi la traduction de Si c’est un homme en Europe et aux Etats-Unis. Mais alors que Primo Levi a été reçu immédiatement comme un grand écrivain à l’étranger, dans son propre pays on ne lui accordait qu’un statut de témoin, honoré, mais frustré aussi dans ses ambitions littéraires. La vie publique de ce chimiste avait véritablement débuté avec son départ à la retraite de l’usine de peinture dont il était le directeur général. S’impose ainsi la figure d’un homme gentil à la barbichette d’un autre âge, moraliste à l’humour subtil, intellectuel des Lumières ne perdant pas une occasion d’affirmer sa foi dans la raison humaine, malgré Auschwitz et les camps de la mort ­ d’où il était revenu. La surprise fut donc grande quand on apprit que Primo Levi s’était donné la mort le 11 avril 1987, en se jetant dans la cage d’escalier de sa maison. A cet homme peu commun, qui se percevait comme dépourvu de toute qualité, Myriam Anissimov vient de consacrer la première biographie (1). Ecrivain et journaliste, elle-même est née en Suisse dans un camp de réfugiés.

Issu de la bourgeoise juive assi