«Insaisissable», «énigmatique», «étrange» : Merleau-Ponty, Lefort, Althusser (1) peuvent bien avoir plus de quatre siècles d’interprétation derrière eux et pourtant l’œuvre de Machiavel ne cesse de leur signifier une présence toujours actuelle. Parmi ces lecteurs récents de l’auteur du Prince, Louis Althusser est allé chercher la réponse à cet étonnement dans Machiavel lui-même. En effet, on lit chez lui que ce qui surprend les hommes par excellence, c’est bien la nouveauté, le jamais vu. Mais il ne s’agit pas d’un état psychologique : plutôt d’un saisissement intellectuel. Ainsi, Machiavel n’est le théoricien de la nouveauté que parce qu’il est le théoricien des commencements, du commencement. Et avec lui commence tout simplement la science politique. Aussi chaque nouvelle saisie se trouve-t-elle confrontée à cette expérience de l’étrangeté. Il en sera de même, sous le double effet du texte et du travail fait sur lui, avec cette nouvelle édition par Christian Bec, des œuvres (Premiers Ecrits ; le Prince ; Discours sur la première Décade de Tite-Live ; l’Art de la guerre ; la Vie de Castruccio Castracani de Lucques ; Histoire de Florence ; Ecrits littéraires ; Lettres familières). Edition dont le mérite est à la fois de regrouper en un seul volume presque l’intégralité de Machiavel et de donner une traduction dans le français d’aujourd’hui.
Nicolas Machiavel (1469-1527) n’est pas, on le sait, un philosophe mais un praticien de la p