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Libération
Critique

Mots à l’homme à la moto

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Camarades de NRF, Michel Butor et Georges Perros ont échangé pendant vingt-trois ans des centaines de lettres, témoignages d’une amitié exigeante, mais délicate.
publié le 14 novembre 1996 à 1h36

Dans le bureau de Michel Butor à Lucinges, il y a trois bureaux: un pour écrire, un pour téléphoner, et un troisième pour le courrier. Michel Butor accorde une grande importance à ce dernier, il y consacre plus d’une journée par semaine. Beaucoup de ses correspondants ont reçu ses fameuses cartes postales découpées, et il entretient des relations épistolaires aux quatre coins du monde, parfois même avec des inconnus, comme ce professeur à la faculté de médecine de Caen avec qui il correspond depuis vingt ans et qu’il n’a jamais vu. En 1982, les éditions Ubacs avaient ainsi publié les lettres de Georges Perros à Michel Butor. Les deux écrivains s’étaient rencontrés en 1955 dans les bureaux de la NRF où ils collaboraient tous deux quand officiait encore Jean Paulhan. Perros était l’aîné de trois ans de Butor, qui avait publié l’année précédente son premier roman, Passage de Milan: «Il était complètement différent des autres, dit Michel Butor, tout simplement vivant. On sentait en lui du naturel, de la générosité, et il m’a pris sous sa protection. Il arrivait à la NRF sur une énorme moto, et je partais souvent en vadrouille avec lui à travers la banlieue parisienne.» Jusqu’à la mort de Georges Perros en 1978, les deux hommes vont s’écrire des centaines de lettres . Aujourd’hui, la correspondance reparaît, augmentée des quatre cents lettres inédites de Michel Butor qui viennent s’entrelacer aux cinq cents de son correspondant. A l’exception d’un an et demi pour lequel les let