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Libération

Le Palestinien des Palestiniens.

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Grande figure de l'université américaine et de la diaspora palestinienne, critique envers les accords d'Oslo, Edward Said est aujourd'hui censuré à Gaza et en Cisjordanie. Rencontre avec le champion de la cause d'un peuple en qui il voit «la victime des victimes», sans pour autant abandonner sa liberté d'intellectuel.
publié le 21 novembre 1996 à 1h16

Depuis septembre dernier, les livres d'Edward Said sont introuvables

en Palestine. Sur ordre du ministre palestinien de l'Information, des agents de sécurité ont investi toutes les librairies de Cisjordanie et de Gaza et confisqué tout ce qui portait sa signature. Même à Jérusalem-Est, pourtant sous contrôle israélien, il est devenu très difficile de se procurer un de ses ouvrages. Situation paradoxale: l'un des plus brillants et des plus célèbres intellectuels de la diaspora palestinienne ­ il enseigne la littérature à Columbia University à New York depuis 1963 ­, celui qui fut longtemps LE Palestinien de l'Amérique, est interdit de lecture sinon de séjour dans son propre pays! Bien que blessé, Edward Said prend la chose avec une certaine philosophie: au fond, ce qui lui arrive n'est que la transcription dans la réalité de sa conception de l'intellectuel, qu'il développe notamment dans son livre aujourd'hui traduit en français, Des intellectuels et du Pouvoir: un homme seul, minoritaire voire marginalisé, un éternel «outsider», un «exilé» authentique ou de l'intérieur, un «amateur» au sens fort dont l'intransigeance et l'indispensable «distance critique» sont toujours perturbatrices (voir article ci-après).

Depuis les accords d'Oslo en 1993, Edward Said a adopté en effet une position très critique vis-à-vis du processus de paix entre Israël et l'OLP. Dès octobre de cette année-là, il signe un article retentissant dans The London Review of Books: «Les vulgarités à la mode de