Un écrit anthropologique peut-il être considéré comme un texte littéraire? Peut-on parler de littérature ethnographique quand le souci de l'auteur est d'abord la vérité objective de l'observation? Bref, peut-on être «voyageur et cartographe»? C'est à ces questions, que se posent les ethnologues, que tente de répondre Clifford Geertz dans son nouvel ouvrage traduit en français, Ici et là-bas, précisément sous-titré l'Anthropologue comme auteur.
Une des tâches principales des ethnologues source d'une sorte de malaise persistant est en effet de convaincre leurs lecteurs «non seulement qu'eux-mêmes ont vraiment été là-bas mais aussi (ce qu'ils font également quoique moins ostensiblement) qu'à leur place, nous aurions vu ce qu'ils voyaient, éprouvé ce qu'ils éprouvaient, conclu ce qu'ils concluaient». Pour illustrer son propos, Clifford Geertz, lui-même anthropologue américain (on lui doit de nombreuses études sur Bali et le Maroc, notamment) et directeur du département des sciences sociales à l'Institute for Advanced Study de Princeton, a choisi quatre auteurs: Claude Lévi-Strauss, Edward Evans-Pritchard, Bronislaw Malinowski et Ruth Benedict. Quatre exemples très différents tant par la personnalité des individus «mandarin parisien, professeur oxfordien, Polonais errant et intellectuelle new-yorkaise» que par la nature de leur discours.
C'est en tant qu'admirateur «non converti» au structuralisme que Clifford Geertz aborde pour commencer l'étude de Tristes Tropiques, qu'il