A chaque fois, c'est imparable. Il monte sur une chaise et clame:
«Pour tout bagage, on a sa gueule/ Quand elle est bath, ça va tout seul/ Quand elle est moche, on s'habitue/ On se dit qu'on n'est pas mal foutu.» L'assistance sourit, habituée, puis reprend les paroles. Pascal Dessaint, écrivain de «noir» est chanteur de toujours-le-même-air. Après ses couplets, ce grand brun dégingandé lève un verre à l'humanité et à ses «potes les polardeux». Si Pascal Dessaint est dans un raout polar, cela finit immanquablement par un hommage à Ferré. Cet être tactile, tapeur-dans-le-dos, tendre et fraternel, est l'auteur de Bouche d'ombre (dernier ouvrage paru chez Rivages). Et c'est à se demander si c'est le même individu qui a écrit une histoire pareille. Un roman d'inceste et de meurtres, de folie et de misère morale. Un psychopolar quelque part entre la tragédie classique et le Tennessee Williams de la Ménagerie de verre. Fils d'ouvrier, dernier de six enfants, Pascal Dessaint s'est mis à l'écriture grâce à son frère Eusèbe, «poète prodigieux encore inconnu», et par souci de revanche sociale. Ex-veilleur de nuit, ex-libraire, ex-concierge, ex-tout et n'importe quoi, il a voulu combattre l'idée que «la littérature n'était pas pour [lui]»" Il s'est entêté. Longuement. Cinq bouquins inaperçus de la critique et pourtant de longues files d'attente devant lui lors des dédicaces. Dans sa ville, ou ailleurs" Il a son public fidèle. Ses courriers de lecteurs. Il ignore comment sa renommée s'