Du grand Erasme de Rotterdam (1 469?-1 536), a-t-on toujours fait l’exemple même de l’équilibre harmonieux entre les poussées contradictoires de la Renaissance européenne? Et si était fausse l’image construite ces derniers 50 ans par l’historiographie internationale, d’un humaniste dialoguant avec Luther sans rompre avec l’Eglise et qui, champion de l’orthodoxie, serait devenu, après sa mort, la caution intellectuelle à la Contre-Réforme? La réponse est déjà dans le titre du livre de Silvana Seidel Menchi, Erasme hérétique. Réforme et Inquisition dans l’Italie du XVIe siècle. Cette étude innove en effet, quant à la méthode et quant aux sources. L’historienne italienne a en effet délaissé l’enquête où l’on privilégie les documents littéraires et l’on procède à la confrontation de textes. Et elle recourt ensuite aux actes des procès d’Inquisition, où il est question de personnes poursuivies pour la lecture des oeuvres d’Erasme ou la diffusion de ses idées: «Les archives inquisitoriales ouvrent ainsi à l’historien de la culture l’accès à une réalité sociale que sa fréquentation habituelle des seuls livres lui laissait ignorer, un monde dans lequel orfèvres et épiciers, cordonniers et tisserands, soldats et médecins, notaires et marchands, côtoient des maîtres d’école, des prêtres et des moines, protagonistes d’une vie intellectuelle intense, et dramatique parfois.»
La fortune éditoriale d'Erasme en Italie parvient à son apogée entre 1520 et 1530 (Luther a été excommunié en 1 521