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Libération
Critique

Etre ou ne pas être hétéro. Une fiction documentée sur la «dark lady» des «Sonnets» de Shakespeare. Anne Cuneo. Objets de splendeur (Mr Shakespeare amoureux). Denoël, 364 pp., 125 F.

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publié le 2 janvier 1997 à 16h37

La romancière suisse Anne Cuneo a bien failli se voir privée du

grand plaisir d'écrire le «roman amoureux» de William Shakespeare. En effet, lorsque, au printemps 1973, A.L. Rowse, le spécialiste incontesté du Barde, produit aux yeux de ses contemporains la preuve, irréfutable selon lui, de l'identité de la mystérieuse «dame en noir» associée à la composition des Sonnets, une autre romancière, et non des moindres, est à deux doigts de se lancer dans l'aventure. Dans une lettre au Times, Agatha Christie félicite le Pr Rowse pour sa découverte et on s'excite à l'idée de la voir lancer Miss Marple sur les pas d'Emilia Bassano, l'intrigante courtisane élisabéthaine. Mais les années passent, Agatha se désintéresse de la «dark lady». Le Pr Rowse poursuit sa croisade en faveur d'une interprétation hétérosexuelle des Sonnets. Enfin, en début des années quatre-vingt-dix, sa route croise celle d'Anne Cuneo, venue le consulter sur l'élisabéthain Francis Tregian. Le fantôme d'Emilia réapparaît et Rowse convainc sa confidente d'écrire enfin le roman dont il a longtemps rêvé. Objets de splendeur est donc le fruit commun de leurs recherches sur les us et coutumes d'un univers mal connu, celui des comédiens et des mécènes à la cour d'Elizabeth Ire. Renonçant au «suspense» auquel aurait succombé une reine du crime, la fiction d'Anne Cuneo s'articule autour du récit retrouvé d'un voyageur suisse qui rencontre à Londres, en 1654, un ancien acteur de la troupe de James Burbage, le directeur du