Tandis que Jean-Philippe Toussaint publie son roman la Télévision,
le sociologue Pierre Bourdieu fait paraître par l'intermédiaire d'une petite structure éditoriale créée ad hoc (1) la transcription intégrale, revue et corrigée, de deux émissions réalisées dans le cadre de cours au Collège de France et diffusées sur la chaîne câblée Paris Première en mai 1996 (cf. Libération du 15/05/96). Ce petit livre rouge est un vrai livre noir. «Je pense en effet, avertit d'emblée l'auteur, que la télévision (...) fait courir un danger très grand aux différentes sphères de la production culturelle, art, littérature, science, philosophie, droit; je crois même que, contrairement à ce que pensent et à ce que disent, sans doute en toute bonne foi, les journalistes les plus conscients de leurs responsabilités, elle fait courir un danger non moins grand à la vie politique et à la démocratie.» Par sa concision et sa destination (plus large que le seul auditoire du Collège de France), le texte s'apparente davantage à une «intervention» d'urgence qu'à une thèse magistrale: par la persuasion et la polémique, Pierre Bourdieu cherche à alerter son lecteur du péril et à le convaincre de résister.
Même s'il voit en elle un fréquent «instrument d'oppression symbolique» et s'il garde un mauvais souvenir de sa participation à l'émission de Daniel Schneidermann Arrêt sur images consacrée aux grèves de décembre 1995, Pierre Bourdieu n'est pas pour boycotter la télévision: «Il est important, écrit-il, d'all