Grazia Deledda (Nuoro 1871-Rome 1936) a été la deuxième femme à être honorée, en 1926, par le prix Nobel de littérature (après la Suédoise Selma Lagerlöf, en 1909). Elle a été, en revanche, la première «traductrice» à recevoir cette distinction. Non pas au sens, littéral mais obvie, où elle a su «transporter» le monde hors du temps de sa Sardaigne natale dans le genre «moderne» du roman du XIXe siècle. Mais dans le sens, plus fondamental et plus douloureux, d'un écrivain de langue maternelle sarde qui recourt à une langue étrangère, l'italien, pour parvenir à la gloire littéraire. De cet auteur un peu oublié, paraît aujourd'hui une nouvelle traduction d'Elias Portolu, l'un de ses premiers grands romans (la première version française remonte à 1903, chez Calmann-Lévy, l'année même de l'édition italienne ! ce qui en dit assez sur sa renommée européenne alors grandissante). Grazia Deledda est aussi la protagoniste de l'un des trois longs récits de Trois Passions, qu'Elisabetta Rasy vient de consacrer à autant de femmes écrivains italiennes.
Un frère qui tombe amoureux de la fiancée de son frère, tel est le point de départ, somme toute banal, d'Elias Portolu. Pour échapper à sa passion dévorante, Elias décide de se faire prêtre, ce qui n'était à l'époque pas trop original non plus. Mais rien n'y fait, et le péché consumera deux existences malheureuses. L'un des frères est berger, l'autre agriculteur (un petit signe vers la Bible, le premier texte formateur de Grazia). Un ciel sou