Menu
Libération
Critique

C'est dans la tête. Tantôt réaliste, tantôt onirique, un voyage au-dedans et au-dehors de soi par un homme au crâne ouvert. Efficacité et économie de moyens de Baudoin. Baudoin. Le Voyage. L'Association, 232 pp., 139 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 23 janvier 1997 à 15h32

"C'est étrange, votre crâne donne l'impression d'être ouvert, sans

protection...», dit une jeune femme à l'inconnu qui vient de l'aborder sur les quais de la Seine. En effet: cet homme est ravagé par la migraine au point que sa tête est sans cesse sur le point d'éclater. Le monde qui l'entoure et que jusqu'ici il n'a pas vu, enfermé dans la cage de sa routine quotidienne, soudain l'envahit. Dans le métro, les voyageurs le poursuivent comme une nuée de crânes; au téléphone, sa tête prend la forme de la cabine, tout comme dans la rue, son visage s'allonge jusqu'en haut des immeubles. Entre cauchemar et dérive, l'homme décide alors d'abandonner boulot, femme et enfant, et de fuir. Il prend le premier train venu et débarque dans une gare méridionale où il rencontre un autre homme, errant comme lui, un montreur de marionnettes qui va de village en village. Les deux homme sympathisent et décident de faire un bout de chemin. Sur cette route, entre cimes et océan, l'homme au crâne ouvert rencontrera l'âme soeur, la mort, et la renaissance...

Par un graphisme épuré en noir et blanc, avec très peu de texte et beaucoup d'efficacité, Baudoin exploredans ce Voyage au-dedans de soi et au-dehors la technique métamorphique. Ce qui l'intéresse, c'est le fantastique du quotidien, le visage d'une vieille dame qui prend des allures de monstre, un nuage qui prend la forme d'un cheval, la femme aimée qui envahit le ciel, une marionnette qui s'agite dans l'écume de la tempête, ou l'histoire du monde