C’est peut-être parce qu’il a a passé vingt ans à réaliser Maus, son chef-d’oeuvre consacré à l’histoire de son père, un juif polonais rescapé d’Auschwitz (en France, deux volumes vendus à 200 000 exemplaires chez Flammarion), qu’Art Spiegelman a ensuite radicalement changé d’univers. Le chef de file du nouveau graphisme américain qui dirige notamment la revue Raw s’est en effet inspiré des années folles et d’un long poème hédoniste de Joseph March (scénariste et chroniqueur mort en 1977), la Nuit d’enfer. Ecrit en 1926 , publié de façon confidentielle en 1928, interdit pour obscénité dans plusieurs villes des Etats-Unis, ce poème se tailla un succès de scandale avant de devenir introuvable. Réédité en 1968 (avec des coupes faites par l’auteur), adapté au cinéma par le duo Merchant-Ivory en 1975, la Nuit d’enfer, raconte Art Spiegelman, fut le livre qui donna à William Burroughs «l’envie d’être écrivain».«La blonde Queenie était encore dans la beauté de l’âge/ Quand, sur scène, elle remuait ses avantages./ Regard charbonneux./ Lèvres de feu/ Dans un visage laiteux./ Quelles épaules / Quelles hanches / Quel cul!» Selon Art Spiegelman, ce récit d’une nuit de beuverie et de débauche «doit autant à la langue et au format des tabloïds, aux lyrics et aux chorus du jazz hot qu’aux gros plans et au montage des films muets, et mêle pareillement poésie descriptive des siècles précédents et épigrammes d’inspiration érotique». Pour illustrer cette mélancolique orgie, pas de BD
Critique
Art Spiegelman «Quel cul!»
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publié le 23 janvier 1997 à 15h33
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