Contrairement à la légende, ce n'est pas l'uniformité ou le calme
qui a dominé la vie de Hegel (1770-1831) mais bien une inquiétude de tous les instants. De même, la réception de son oeuvre a connu des fortunes diverses après sa mort, à un relatif succès immédiat faisant suite en effet une longue période d'oubli voire de mépris (à l'exception de Marx, dont le rapport est aussi profond qu'ambivalent). On a certes pu enregistrer une certaine renaissance de l'hégélianisme au début de notre siècle, mais de nos jours on assiste à un retour fracassant de l'auteur de la Phénoménologie de l'esprit, avec un nombre de plus en plus grand d'éditions, de traductions, de commentaires" Ce qui ne veut pas dire qu'il soit possible ou même utile de «restituer» Hegel. Position dont Jean-Luc Nancy, qui signe pourtant un empathique Hegel. L'inquiétude du négatif, fait la clé même de son approche du philosophe allemand: «On lit Hegel, ou on le pense, tel qu'il fut déjà relu ou repensé jusqu'à nous, tel qu'il s'est déjà rejoué dans la pensée. Mais ce qu'il fait tout d'abord penser, c'est ceci: le sens n'est jamais donné ni disponible, il s'agit de se rendre disponible pour lui, et cette disponibilité se nomme liberté».
Philosophe inaugural du monde moderne, Hegel, paradoxalement, aurait enlevé à la philosophie le pathos des commencements tout autant que celui de la fin. Philosopher, pour lui, c'est une décision toujours au présent, c'est la saisie de «l'actualité pleine et entière de l'infini qui tr