Menu
Libération
Critique

Les Chinois dans la nature. Pour le sinologue et philosophe François Jullien, la civilisation chinoise, contrairement à la notre, n'oppose pas au monde naturel un modèle idéal, mais elle en tire un parti dynamique. François Jullien. Traité de l'efficacité. Grasset, 238 pp., 129 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 30 janvier 1997 à 15h07

D'où nous est venue cette évidence naïve selon laquelle toutes les

«choses» qui nous entourent quotidiennement et qui forment le tout de notre «monde sensible», seraient inévitablement contraires à nos plans éthiques ou stratégiques, à notre conception du bien et du beau? Le «monde sensible», comme l'appelaient Platon et Aristote, nous est étranger, pour ne pas dire hostile. Il obéit à des lois qui lui sont propres, et ces lois semblent destinées à contrarier notre volonté. Dans le Traité de l'efficacité, François Jullien observe ce trait particulier à l'Occident, le caractère fondamentalement conflictuel du rapport entre la subjectivité et la nature: notre éthique fait l'apologie d'un «héroïsme». nécessaire à une vie «réussie»; nos stratèges, de Machiavel à Clausewitz, subordonnent la victoire à une maîtrise «mécanique» des armes et des positions géographiques; l'esthétique elle-même est soumise à ce principe commun, d'inspiration platonicienne, qui exige en somme de suivre un «modèle» préétabli et transcendant si l'on veut parvenir à ses fins. Notre théologie vient coiffer cette habitude de pensée, puisqu'elle suggère l'existence d'une réalité dont les qualités sont jugées à la fois radicalement supérieures aux qualités du monde créé, et elles seules proprement «exemplaires».

En outre, pourquoi croyons-nous que ce monde matériel est fondamentalement «statique», et que quand il ne l'est pas, son mouvement «naturel» et«spontané» ne concerne que lui? Notre morale condamne la te