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Libération
Critique

Droit sur la route de l'Inde. Roger-Pol Droit. Le Culte du néant. Seuil, 368 pp., 140 F.

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publié le 13 février 1997 à 21h37

Dans l'Oubli de l'Inde (PUF, 1989), Roger-Pol Droit exposait un

projet ambitieu qui prétendait défricher un moment de notre histoire des idées: avec le présent ouvrage, il tient son pari en restituant ce qu'a été le rapport en effet méconnu des philosophes occidentaux avec la spiritualité hindoue. Cette page d'histoire ne débute qu'au début du XIXe siècle, période durant laquelle les orientalistes découvrent eux-mêmes un ensemble d'archives mongoles, chinoises, indiennes ou tibétaines, toutes placées sous la figure tutélaire du Bouddha. Hegel y voit une religion où «l'homme doit se faire néant»; Victor Cousin renchérit en parlant de «culte du néant», et Renan pousse la caricature en qualifiant le bouddhisme d'«Eglise du nihilisme» ­, cette forme de pensée fascine et inquiète. Négation de la vie, destruction de soi, il en dégage cependant une éthique, et au-delà, une vérité. A laquelle Schopenhauer aura été le premier sensible, mais qui influencera aussi Nietzsche, et en France, Gobineau et Renouvier. Le contexte occidental se prête aisément à des philosophies désabusées: l'Europe d'alors vient de traverser une période révolutionnaire qui a renversé ses valeurs traditionnelles. Dans ce monde dépressif, sujet à la tentation de l'athéisme, la philosophie inaugure ce ton nouveau dont notre contemporanéité porte encore la trace. L'ouvrage de Roger-Pol Droit est très utilement érudit ­ plus de cent pages d'annexes ­ et débouche sur quelque chose de plus que la seule évocation d'un