Menu
Libération
Critique

Masse et puissance. Qu'en est-il de la «crainte des masses»? Ce que l'Etat, qui redoutait le peuple, doit craindre ou ce que les masses craignent? Un essai d'Etienne Balibar. Etienne Balibar. La Crainte des masses. Politique et philosophie avant et après Marx Galilée, 458 pp., 198 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 13 février 1997 à 21h37

Qu'Etienne Balibar ait publié d'abord aux Etats-Unis l'essentiel de

ce recueil d'essais qu'est la Crainte des masses. Politique et philosophie avant et après Marx (1) est fort symptomatique. De l'influence grandissante du marxisme universitaire européen (tout particulièrement français) dans les colleges et campus américains, mais aussi d'un renouvellement de celui-ci, passé plutôt inaperçu chez nous. Pour en venir là, il a fallu transformer une faiblesse en force. Le discours marxiste a été comme paralysé par la faillite puis la chute des régimes de l'Est européen, mais, surtout, par son incapacité à repenser le rôle de plus en plus effacé de la classe ouvrière au coeur du capitalisme. Une inimitié glorieuse et séculaire pouvait-elle se terminer par l'abandon inopiné de l'un de ses combattants, sans que la théorie n'en fût affectée? N'y avait-il pas ­ entre cet effacement du conflit de classes et le surgissement contemporain de mouvements de masse­ une sorte de balance que Marx avait tenté de faire pencher une fois pour toutes avec son Capital, mais qu'il fallait reprendre à nouveaux frais? Ancien disciple de Louis Althusser, dont il a accompagné les heurs et les malheurs, Etienne Balibar est professeur de philosophie politique et morale à l'université de Paris-X (Nanterre).

C'est Spinoza qui a introduit dans la pensée politique le problème des mouvements de masse et donc de leur contrôle, de leur utilisation ou de leur répression préventive. Chez lui, la multitudo, la masse,