Placé entre l'expulsion d'Adam du paradis terrestre et la
reconnaissance du vrai Dieu par Abraham, le mythe de la tour de Babel clôt la Genèse en quelques lignes vingt précisément, sur les trois mille pages et plus que compte la Bible. Depuis, ce texte où il est question d'une oeuvre humaine dont Dieu en personne vient interrompre l'accomplissement ne cesse de proliférer dans tous les sens. Ouvrage lui-même resté pour une partie en travaux, suite à la mort de son auteur en 1995, à l'âge de 80 ans, Babel ou l'Inachèvement, de Paul Zumthor, vient confirmer la justesse de la métaphore qu'il voulait illustrer. D'autant que ce médiéviste de réputation internationale avait commencé à s'intéresser à Babel en 1949; il y était revenu à deux reprises, avant de reprendre le tout à nouveaux frais, juste après la parution en 1994 de la Mesure du monde, son essai important (et conclusif) sur la civilisation du Moyen Age chrétien.
«Bâtissons-nous une ville et une tour et faisons-nous un nom"» L'origine mésopotamienne du récit biblique ne fait pas de doute. Il est certain, de même, que le manque d'homogénéité du texte révèle «trois couches narratives», dont la base est constituée par un récit recueilli dans une tradition orale beaucoup plus ancienne que la rédaction de la Genèse réalisée entre le IXe et le VIIe siècle avant J.-C. Des nomades assistent à l'édification d'une ville et transmettent cette expérience à «un petit peuple de pasteurs, de paysans, de guerriers, pour qui les mé