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Critique

Le roi loup

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L'exception c'est la règle: d'Auschwitz aux camps de réfugiés, Giorgio Agamben revisite le mythe fondateur de la souveraineté moderne.
publié le 27 février 1997 à 16h51
(mis à jour le 27 février 1997 à 16h51)

Et si la nature de l'Etat était reliée d'avantage à l'état de nature qu'au contrat social? C'est à cette question (classique) de la philosophie politique que Giorgio Agamben consacre son Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue. D'Aristote à Schmitt, de Hobbes à Hegel, de Sade à Kafka, de Heidegger à Levinas, de Nancy à Negri" les auteurs sollicités sont innombrables, mais seuls Michel Foucault et Walter Benjamin «dirigent» la recherche du philosophe italien. Foucault parce qu'il a avancé le concept de «bio-politique» (voir ci-contre) pour décrire l'intégration de la vie naturelle dans les mécanismes de l'Etat moderne, et pour souligner, dans la transformation de l'«Etat territorial» en «Etat de population», cet «accroissement vertigineux de l'importance de la vie biologique et de la santé de la nation, en tant que problème spécifique du pouvoir politique», lequel se mue ainsi en «gouvernement des hommes». Benjamin, lui, parce qu'il a exposé «le lien irréductible qui unit la violence et le droit», et parce que sa critique de la violence «constitue la prémisse nécessaire et aujourd'hui encore inégalée de toute recherche sur la souveraineté».

Le fil conducteur de l'essai de Giorgio Agamben est l'homo sacer, figure du droit romain archaïque. L'homme sacré est celui qui, jugé pour un crime par le peuple, peut être tué impunément par quiconque, mais ne peut en revanche être sacrifié, c'est-à-dire tué selon les règles. Comme écrit Agamben, «une personne est simplement placée