Quarante ans après, Paris est-il toujours le même?
C'est le sujet du livre: j'ai assisté à la fin de l'époque où la littérature avait encore un prestige énorme. J'ai côtoyé les derniers monstres sacrés, Mauriac, Céline, Jouhandeau, Julien Green (le seul encore vivant), Aron, qui était mon maître à la Sorbonne. Et non seulement de la littérature mais de la culture, du théâtre, de la musique" J'allais voir Louis Jouvet dans l'Ecole des femmes ou Edwige Feuillère et Pierre Brasseur dans Partage de midi. En ces années de formation, je passais du Piccolo de Milan au Berliner Ensemble, ou je filais à Londres voir Laurence Olivier. Je parlais à Francfort avec Adorno, ou avec Edmund Wilson à New York. Les monstres sacrés ayant presque tous disparu, à partir des années 60, ce sont les maisons d'édition qui «font» la littérature.
Pourquoi débarquez-vous à Paris en 1956?
Pour étudier. Après guerre, à l'université de Milan, je rêvais d'une carrière dans les grands organismes internationaux du type ONU, Unesco, Cour internationale de justice de La Haye. A l'époque, la littérature n'était pour moi qu'un hobby. Très vite, avec mes collaborations à des hebdos tels que Il Mondo et l'Espresso ou au quotidien Corriere della Sera, le loisir est devenu profession. Je me suis engagé dans une critique culturelle exigeante, convaincu que j'étais (et je le suis encore) de pouvoir écrire dans les journaux sur la culture d'une manière ni commerciale ni vulgaire, car il y a en Italie un public dans chaque