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Libération
Critique

Balandier à plein temps. L'autobiographie intellectuelle d'un anthropologue qui a toujours milité au présent pour le temps et la mémoire. Georges Balandier, Conjugaisons.Fayard, 414 pp., 150 F.

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publié le 20 mars 1997 à 23h00

Georges Balandier a toujours pris le parti de l'événement, de

l'actuel, bref du présent. Anthropologue et sociologue marquant de ce dernier demi-siècle, il n'a eu de cesse d'interroger la tradition et l'immémorial. Non pas pour en déceler les lignes de résistance au changement mais, au contraire, pour en montrer les craquèlements et baliser, de l'intérieur, le labyrinthe social que la modernité semble entraîner dans un perpétuel réaménagement. L'apport essentiel de Balandier est en effet d'avoir constitué une anthropologie politique ­ en en appelant à la sociologie ­ là où d'autres se cantonnaient dans une ethnographie paresseuse et impuissante à décrire les formations sociales en transition, d'Afrique noire et d'ailleurs. C'est ce trajet marqué par le refus de l'enfermement que Georges Balandier offre en partage dans Conjugaisons. A la fois antimémoires et autobiographie intellectuelle, ce livre montre surtout que pour nos sociétés de «surmodernité» ­ figées dans un éternel présent comme les sociétés traditionnelles l'étaient dans leur passé immobile ­, il redevient vital de récupérer une profondeur en rétablissant les droits du temps qui passe.

L'enfance de Georges Balandier est campagnarde et provinciale, du côté de La Vôge (où il naît en 1920), entre Lorraine et Franche-Comté. Du côté maternel, sa famille affiche un conservatisme petit-bourgeois et catholique, du côté paternel on ne cache pas un progressisme tempéré attaché aux valeurs républicaines. Le petit Georges court