L'hygiène, je m'en fiche; on ne fait pas de la politique avec de
l'hygiène.» Prononcés en 1885, dans le double contexte d'une campagne électorale et d'une épidémie de choléra, ces mots du ministre Allain-Targé disent assez bien l'ordre des priorités affiché par les dirigeants de la Troisième République. Contrairement à ses voisins britannique ou allemand, la France, pays de Pasteur et de Napoléon, tarda en effet à instaurer une véritable politique de l'hygiène et de la santé publique, laquelle fut toujours discontinue et hésitante. C'est à l'étude de ce paradoxe apparent, où s'entrecroisent les responsabilités mêlées de l'Etat, de l'opinion et des milieux médicaux, que nous convie l'essai de Lion Murard et de Patrick Zylberman.
Il existait pourtant en France un puissant mouvement hygiéniste, républicain et pédagogue, sorte de «cité savante» vouée à la régénération sanitaire et morale du pays. C'est en ce sens qu'avait été créée, au lendemain de la débâcle, la Société de médecine publique (1877) qui compta dans ses rangs des personnalités aussi prestigieuses qu'Emile Duclaux, Ferdinand Buisson, Jules Siegfried ou Alexandre Lacassagne. Mais s'il fut à l'origine de quelques avancées, comme la création en 1889 d'une Direction de l'hygiène au ministère de l'Intérieur, ou comme la loi de 1892 sur la déclaration des maladies contagieuses, le mouvement échoua dans son grand oeuvre. Adoptée en février 1902, la Siegfried, première «charte sanitaire» du pays, fut en effet vidée de son co