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Libération
Critique

Le naufragé du verbe

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Sans encre, sans papier, le cerveau lobotomisé, le héros d'Antoine Volodine tente de se reconstruire un univers de fiction dans un monde d'apocalypse.
publié le 20 mars 1997 à 23h01

Nuit blanche en Balkhyrie d'Antoine Volodine est un roman d'apocalypse sur fond de guerre civile, de camp de concentration et d'asile psychiatrique. Le monde a éclaté et le personnage principal, Breughel, un écrivain soumis à une lobotomie, tente de recoller les morceaux de sa mémoire. Voilà en résumé l'intrigue du neuvième roman de Volodine qui, comme les précédents, immerge le lecteur dans un univers littéraire qui évoque bien plus la multiplicité des mondes que le néoréalisme contemporain.

Depuis Biographie comparée de Jorian Murgrave (Denoël, 1985) jusqu'à Lisbonne dernière marge (Minuit, 1990), Antoine Volodine a construit un univers romanesque à l'écart. Ses neuf livres, qui relèvent tous d'un même cycle narratif, mettent en scène des écrivains en lutte contre des idéologies politiques et littéraires. Une constante du narrateur volodinien est son internement en prison, ici en hôpital psychiatrique. Soumis à des interrogatoires, par la police ou la médecine, ces narrateurs n'ont comme ligne de fuite que l'imaginairequi témoigne de leur volonté de survivre.

Inventer des histoires lorsque l'Histoire a tout détruit est l'incessante occupation de Breughel. Ecrivain moribond, Breughel était déjà le héros du Port intérieur (Minuit, 1996). Là, à Macao, menacé d'exécution, il fuyait les services spéciaux. Ici, en Balkhyrie, il est fait comme un rat et est même devenu cobaye pour expérimentations psychiatriques. Est-ce le même Breughel? La question importe peu tant ce nom semble d