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Critique

Le patriarche de Caracas. Rencontre avec le Vénézuélien Arturo Uslar Pietri, 91 ans, maître d'Asturias, de Carpentier et de Marquez et pionnier du «réalisme magique». Arturo Uslar Pietri Le Chemin de l'Eldorado Traduit de l'espagnol par Philippe Dessommes Florez. Critérion, 342 pp., 139 F.

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publié le 20 mars 1997 à 23h01

Caracas correspondance

Il s'en est fallu de peu qu'Arturo Uslar Pietri tînt Machiavel pour l'unique responsable du relatif échec de sa carrière littéraire. Dans son Discours sur la première décade de Tite-Live, l'ennemi juré des Médicis déniait à l'intellectuel toute influence sur le cours de l'Histoire. «Ils n'arrivent même pas à remuer une pierre», se gaussait-il, en contradiction tout de même avec le cheminement de sa propre vie. Une analyse épousée cinq cents ans plus tard par le plus célèbre écrivain vénézuélien vivant ­ c'est d'ailleurs lui qui établit le palmarès ­ au moment, en 1929, où il débarque dans le «Paris des années folles».

«C'est vrai, j'ai peut-être raté le train de la grande notoriété, confie à 91 ans Arturo Uslar Pietri. A l'époque, j'ai été le premier romancier latino-américain à être publié par Gallimard (les Lances rouges, ndlr). Et puis, tout s'est arrêté assez sèchement. Mais le vrai coupable est le monde éditorial français qui a ourdi un complot contre moi. A ce moment-là, il fallait être engagé, comme Sartre, et moi, à ma grande honte, je n'avais pas d'avis sur ce qu'il fallait penser de l'Union soviétique.»

Installé aujourd'hui dans sa confortable quinta tropicale de La Florida perchée sur une colline des beaux quartiers de Caracas où il vit solitaire depuis la mort de sa femme il y a quelques années, protégé par une domesticité silencieuse, le vieil homme reçoit le visiteur dans un patio monacal où trône pourtant une sculpture de Miro, offerte ave