Comment se fait-il que «le roi ne meure jamais» et que «même le pape
meure»? Qu'est-ce que ces proverbes, dans leur asymétrie constitutive, révèlent-ils de la façon d'envisager la continuité du pouvoir au sein de la papauté et dans les Etats monarchiques naissants, à la sortie du Moyen Age? Dans son célèbre ouvrage les Deux Corps du roi, Ernst Kantorowitz a montré que le roi, justement, a deux corps, l'un physique destiné à périr, l'autre institutionnel, qui se perpétue dans la royauté. Avec le Corps du pape, Agostino Paravicini Bagliani mène, de son côté, l'enquête sur la nature physique du pouvoir spirituel. La conclusion est paradoxale: entre le XIe et le XIIIe siècle, les théoriciens de la papauté insistent sur la condition mortelle des papes, voire sur leur misère physique, non pas pour rabaisser le prestige du représentant du Christ sur terre, mais bien pour l'exalter. Souligner la mortalité du pape revient finalement à réaffirmer l'immortalité de l'Eglise par delà la mortalité de son chef. D'où, contrairement aux apparences, cet aveu de faiblesse du pouvoir royal, qui pour conjurer le futur d'une existence purement mondaine des Etats doit insister sur une sorte d'éternité dynastique, en soi assez problématique.
Théologien et théoricien d'une papauté réformée capable de s'opposer aussi bien au roi qu'à l'empereur, Pierre Damien écrit en 1066 un opuscule retentissant sur la «brièveté de la vie des papes». Il y démontre qu'aucun des successeurs de Pierre n'a égalé et encor