Tayeb Salih n'est guère prolifique et les six récits qu'il a écrits
en trente ans comptent parmi les joyaux des lettres arabes. Tayeb Salih est né en 1929 dans un petit village de la région de Marawi, au nord du Soudan; après des études à Khartoum et à Londres, il dirige le département arabe de la BBC et est conseiller à l'Unesco. En 1966, il publie son premier roman, les Noces de Zeyne (1); trois ans plus tard paraît Saison de la migration vers le Nord. Bandarchah, l'année suivante, donne la mesure d'une écriture travaillée par la polyphonie nilotique, le brassage des idiomes, ou encore l'emboîtement des récits. Si les romans de Tayeb Salih figurent aux programmes de nombreuses universités arabes, au Soudan, en revanche, ils font l'objet d'une censure voilée. Comme nombre de ses compatriotes, Tayeb Salih vit à Londres en exil; il n'est pas retourné au Soudan depuis le putsch militaro-islamiste de juin 1989, et ne compte pas y revenir tant que le régime, qu'il qualifie de «honte», est encore en place. A l'invitation de l'Institut du monde arabe et en marge de la saison du Soudan, Tayeb Salih était ces jours derniers à Paris. Que veut dire être écrivain sous un régime islamiste comme celui de Khartoum?
Il y a huit ans que je ne suis pas retourné au Soudan. Les quelques écrivains qui y sont restés subissent les effets du verrouillage islamiste: harcèlement moral, autocensure, etc. Il est donc impossible de penser et de créer librement dans un tel climat, les intellectuels et le