La philosophie du siècle», écrivait Camus en 1932, à propos de
l'oeuvre d'Henri Bergson. Né en 1859 et mort en 1941 à Paris, Bergson a connu de son vivant un succès exceptionnel: Vladimir Jankélévitch, Alain, Victor Delbos, Léon Brunschvicg, Henri Gouhier, Gaston Bachelard, ou encore le jeune Jean-Paul Sartre... tous ont commenté l'oeuvre de ce «ponte». Apparaissait comme une évidence presque jusqu'au milieu du XXe siècle l'existence d'une «philosophie bergsonienne», entendue comme une pensée digne des plus grandes philosophies, de Kant, de Descartes ou de Hobbes. Ajoutons que le sentiment de la «grandeur» de Bergson était à l'époque, et au-delà des frontières, partagé aussi bien par Max Horkheimer, Bertrand Russell, et fut exporté aux Etats-Unis par William James ou John Dewey.
Malgré un tel succès, la pensée de Bergson fut ensuite estimée désuète. Il fallut attendre que Gilles Deleuze ait audacieusement ravivé le souffle de cette oeuvre en 1966, avec le Bergsonisme (PUF). Dès avant la Seconde Guerre mondiale, l'audience grandissante de philosophies phénoménologique et marxiste contribuèrent à voiler l'originalité d'une oeuvre et la personnalité d'un homme dont on n'avait pas compris le changement de position, militariste avant et pendant la Grande Guerre, pacifiste ensuite. En 1989, Philippe Soulez publie un ouvrage qui bouscule l'opinion: Bergson politique (PUF, voir Libération du 28/09/89). Cet essai, fondé sur sa thèse d'Etat, lui valut le prix de l'Académie des science