Centenaire oblige, l'année 1997 semble marquer la consécration de
trois «hérétiques» du surréalisme: Georges Bataille, Philippe Soupault et Louis Aragon. Mais en ce qui concerne celui-ci, le terme est à nuancer: on a plutôt l'impression de mystiques successives et qui se seraient annulées mutuellement, au point de longtemps faire oublier les professions de foi originelles. Le principal mérite du volume d'oeuvres romanesques proposé par la Pléiade, c'est de ressusciter le jeune Aragon comme une figure presque rimbaldienne, comme un ange exterminateur du surréalisme, qui en aura assumé jusqu'au bout toutes les contradictions. Dès Anicet ou le Panorama, roman, il prend au pied de la lettre les défis jetés par André Breton, en imaginant un conte initiatique qui se dissout dans le ridicule et dans l'échec; avec les Aventures de Télémaque, il offre un apologue dans la manière de Fénelon, mais dont on ne saurait tirer aucune morale... Dans ces premiers romans d'Aragon, la pratique désinvolte du collage, du pastiche ou de l'autocitation a un double effet: elle transpose, sur un mode pseudo-narratif, toutes les virtualités de l'écriture automatique; en même temps, elle leur interdit tout dépassement au-delà de la pure jouissance des mots. D'un côté, il y a cette surenchère dans la provocation qui lui inspire, à la même époque, la parodie du procès de Barrès; de l'autre, on devine un égotisme où se trahit précisément l'influence barrésienne, et qui va de plus en plus isoler Aragon au