Plus il y a d'images dans le monde et moins bien se porte
l'imaginaire des hommes. Et le danger doit être grand si un anthropologue chevronné comme Marc Augé, homme paisible au demeurant, «entre en résistance» et appelle à le rejoindre dans la Guerre des rêves ! dont l'essai éponyme esquisse le «théâtre des opérations». Dans la foulée, Marc Augé publie aussi l'Impossible Voyage. Le tourisme et ses images, un recueil d'articles qui fonctionne comme une sorte de journal de campagne de ses excursions guerrières. L'ennemi pourtant n'est pas facilement identifiable (pas même aux Etats-Unis), bien que nous ayons tous «le sentiment d'être colonisés». Mais sans savoir par qui. C'est qu'il faudrait parler d'une guerre civile, d'un «dérèglement de notre système immunitaire» plutôt que d'une agression extérieure. Plus exactement, «ce sont les conditions de circulation entre l'imaginaire individuel (et par exemple le rêve), l'imaginaire collectif (et par exemple le mythe) et la fiction (littéraire ou artistique, mise en image ou non) qui ont changé».
Du rêve à la fiction en passant par le mythe: Marc Augé explore les manières qu'ont toutes les sociétés (sans exclusion) de vivre dans et par l'imaginaire. Mais sa reconstruction ne se veut pas historique, au sens où un régime d'images succéderait nécessairement à un autre. Plutôt une généalogie que viennent dramatiser les heurts et contacts entre civilisations différentes. En effet, comme l'a montré Serge Gruzinski à propos de la colonisatio