A Paris en 1943, on joue au théâtre les Mouches de Jean-Paul Sartre
(1), tandis que Gallimard en publie le texte. Dans la lignée d'Eschyle ou de Sophocle, Sartre prétend relater la tragédie d'Oreste mais sous cette forme allégorique, il met en scène le «drame de la liberté»: la formule est de Maurice Merleau-Ponty (1908-1961), qui signe un compte rendu de la pièce dans la revue Confluences (2). Le texte est bref, quatre pages, mais d'une grande intensité. Non seulement il énonce la vérité des Mouches de Sartre, mais il en écrit les conséquences éthiques. Ce texte était quasiment devenu inaccessible, à l'instar des dix-neuf autres rassemblés dans le recueil de Parcours.
«La publication des Mouches est opportune», écrit Merleau-Ponty, qui ajoute: «Il est entendu qu'un texte écrit pour le théâtre est fait pour être joué et que le spectateur est seul juge.» Juge de quoi en l'occurrence? D'un «théâtre qui est fait pour montrer un héros en situation tragique, c'est-à-dire une liberté en péril». Dans les Mouches, précise Merleau-Ponty, «on peut croire, et Oreste lui-même a cru longtemps, qu'être libre c'est ne s'engager nulle part», flotter dans l'air, «impalpable, sans convictions, disponible». Mais vient le moment où l'on «voudrait exister pour de bon, sentir la terre sous ses pieds, compter au nombre des hommes.» Cela implique-t-il d'abdiquer sa liberté et «servir l'Ordre? C'est ici qu'Oreste découvre un troisième chemin, entre la liberté d'indifférence et la fatalité des tradi