Si Giorgio Manganelli (1922-1990) a tenu la littérature pour un mensonge (1), ce n’est certes pas qu’il trouvait une vérité quelconque aux choses du monde et une valeur secondaire à l’écriture. Bien au contraire. La littérature est mensongère parce qu’en donnant forme au néant elle fait advenir le monde. Et, de ce néant de la réalité, Manganelli ne s’est jamais accommodé. En cela, la littérature a été pour lui le vice nécessaire, l’activité dérisoire (et jouissive) qui ne sauvera jamais une vie mais remplira au moins les vides infinis entre les instants du temps. Cela dit, l’écrivain italien n’est en rien un désespéré, bien que lunatique, dépressif et un tantinet maniaque. Commensal à l’appétit légendaire, jamais en reste d’une histoire, il a laissé planer le doute jusqu’à la fin sur la question de savoir s’il ne se levait pas de table pour continuer à parler ou, à l’inverse, pour ne pas cesser de manger. Son appartenance à un cénacle littéraire tel le Groupe 63 (Eco, Balestrini, Arbasino ») n’a probablement pas été que conviviale. Quoique » Professeur de littérature anglaise, traducteur, critique, Giorgio Manganelli considérait Stevenson comme l’incarnation de l’écrivain: «Stevenson a célébré avec une fureur lucide son dévouement pour la littérature comme asocialité, provocation, mystification.» Ce sont les mêmes traits furieux que Manganelli retrouve chez Collodi, l’auteur de Pinocchio. Dès lors, son Pinocchio: un livre parallèle ne voisine pas avec un seul ouvrage mais av
Critique
Le bois dont on fait les héros
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publié le 22 mai 1997 à 2h22
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