En août 1914, Marc Bloch a 28 ans. Sergent dans l'infanterie, il
participe aux combats de l'Argonne, puis connaît divers champs de bataille jusqu'à sa démobilisation en mai 1919. Celui qui est déjà un historien confirmé (agrégé, il a entamé sa thèse sur le servage et a déjà publié une demi-douzaine d'articles) ne porte cependant sur la guerre qu'un regard peu distant. Ses carnets, ses notes, ses «Souvenirs» parlent d'abord du «métier»de combattant et des valeurs courantes d'une expérience partagée alors par des millions d'autres hommes: apologie du courage militaire, patriotisme exacerbé, détermination antiboche. Mais cette guerre qu'il «retient», selon l'expression de Stéphane Audoin-Rouzeau, n'en finit pas de resurgir dans son oeuvre ultérieure. En témoignent ces deux essais pionniers d'anthologie historique que sont les Réflexions d'un historien sur les fausses nouvelles de la guerre» (1921) et les Rois thaumaturges (1924), où il file l'analogie entre les modes de communication dans la tranchée et ceux en usage dans les sociétés médiévales. Mais aussi l'Etrange Défaite (1942) où, tout en récusant l'«envoûtement» du passé, il analyse la prégnance des représentations de 14-18 dans les comportements de 1940. En ce sens, la Grande Guerre de Marc Bloch fut bien à l'image de celle des autres combattants: une expérience indicible, mais qui taraude par la suite l'existence tout entière. Et se trouve peut-être aux sources, chez lui, de cette dialectique passé-présent qui habita tou