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Libération
Critique

Crews à cran. Un douloureux flash-back sur les terres ingrates des six premières années de l'enfance de l'écrivain. Autobiographie réussie mais thérapie ratée. Harry Crews.Des mules et des hommes.Traduit de l'américain par Philippe Garnier. Gallimard.La Noire, 274 pp., 120 F

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publié le 12 juin 1997 à 3h49

Harry Crews avait dix ans de métier dans les pattes quand il s'est

décidé à mettre entre parenthèses une singulière trajectoire de romancier. C'était en 1978, le moment lui semblait venu de remonter le cours d'une existence marquée par les excès en tous genres («Rien que les marques laissées dans mes jambes, c'est déjà trop. J'ai des genoux qui feraient pleurer un homme mûr...»). De faire revivre, dans le style abrupt du documentaire, Bacon County, plat pays de Géorgie et rude région de son enfance. L'auteur de la Malédiction du gitan, que la boisson et les accès de violence rendaient déjà infréquentable, voyait dans cet essai biographique une possible source d'apaisement. «Quand je me suis assis pour écrire, mon père me hantait et habitait mes rêves, explique-t-il dans la préface d'une édition américaine. J'ai pensé que si je pouvais revivre tout ça et le retranscrire dans un langage spécifique et détaillé, j'en serais purgé.» Crews a composé ainsi son meilleur livre, évocation terrifiante et magnifique du Sud des petites gens, exploration des terres ingrates, des caractères tordus qui font le ferment de ses romans. Grande réussite littéraire mais thérapie ratée. Crews vit aujourd'hui plus muré que jamais dans son alcoolisme. La rédaction d'«Une enfance» (titre anglais bizarrement abandonné) ne l'avait pas soulagé à l'époque: «Quand j'ai fini ce livre, je buvais énormément. Ecrire ces mémoires m'a presque tué, mais ça n'a rien purgé. Ces années marquent encore ma mémoire a