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Critique

Pour qui sonnent les cloches? Avec pour fil conducteur la représentation chrétienne du monde, l'éthnologue Giordana Charuty dénoue les liens tissés entre la folie, le mariage et la mort. giordana charuty Folie, mariage et mort. Pratiques chrétiennes de la folie en Europe occidentale Seuil, «La couleur des idées»,410 pp., 160 F.

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publié le 19 juin 1997 à 5h06

Nos sociétés paysannes traditionnelles étant en voie d'extinction,

l'ethnologie a-t-elle un avenir? Il n'est pas assuré, mais, selon Giordana Charuty, pourrait être fécond si les ethnologues gardaient le souci d'observation des usages vivants et les comparaient à des pratiques similaires, actuelles ou du passé. De cette triple approche contemporaine, comparative et historique, ce directeur de recherche à l'université de Nanterre donne une démonstration exemplaire dans Folie, mariage et mort. Approche contemporaine, donc, parce que l'enquête centrale s'est déroulée, entre 1978 et 1985, au pays de Sault, dans les Pyrénées-Orientales, et avait pour objet les représentations coutumières de la folie. Comparative, ensuite, parce que la perception des désordres psychiques comme conséquence de l'inconduite sociale d'un individu ­ que seul le groupe peut traiter ­ est commune à toute l'Europe méditerranéenne. Historique, enfin, parce que la confrontation des données actuelles avec l'énorme corpus ethnographique et folklorique (et ses différentes interprétations) permet à Giordana Charuty d'avancer des développements théoriques inédits, où la vision chrétienne du monde (d'ici-bas comme de l'au-delà) devient le fil conducteur pour dénouer les liens paradoxaux qui relient la folie, le mariage et la mort.

Dans les sociétés traditionnelles, le célibat est une folie, mais plus fou encore serait de laisser se marier les simples d'esprit, les épileptiques, les hystériques et autres non-conform