Menu
Libération
Critique

Les génies de la finance. Au Laos, à l'heure où le communisme se convertit au marché, on assiste à une renaissance des génies animistes qui traduit, non pas une nouvelle fortune du religieux, mais un paradoxal retour du politique. Bernard Hours et Monique Selim. Marché, socialisme et génies. Essai d'anthropologie politique sur le Laos contemporain.L'Harmattan, 400 pp., 210 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 26 juin 1997 à 4h43

Le Laos est un petit pays animiste et bouddhiste du Sud-Est

asiatique. Depuis le XIVe siècle ­ où une royauté bouddhiste s'y instaure ­, le conflit n'a pas cessé entre les génies animistes autochtones et la religion étrangère devenue le fondement de l'Etat. En 1975, le régime communiste a cru mettre un terme à ce système séculaire (et en crise) en abolissant la royauté et en interdisant l'un et l'autre culte. Venaient à disparaître ainsi les trois piliers traditionnels de cette société rurale, les trois termes proprement politiques qui permettaient d'articuler institutions locales et Etat central, puissance des génies et pouvoir bouddhiste, économie de subsistance et surplus économique. Vingt ans après ­ à l'instar de la Chine et du Viêt-nam, ses puissants voisins ­, le régime communiste commence à se muer en «socialisme de marché», alors que les bonzes reprennent du poil de la bête et que les génies connaissent une nouvelle, extraordinaire jeunesse. Cependant, on n'assisterait pas à un essor du religieux mais bien plutôt à un paradoxal retour du politique, selon les anthropologues Bernard Hours et Monique Selim, qui consacrent au Laos contemporain Marché, socialisme et génies.

Bernard Hours et Monique Selim mènent leur enquête au Laos en 1993, puis, de manière plus brève, en 1995. Pour l'un, il s'agit d'un retour, à vingt-cinq ans de distance, sur les lieux de son premier «terrain» d'anthropologue; pour l'autre, d'une découverte. Ensemble, ils se proposent d'étudier les effe