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Libération

Sophie Calle. Au bout du fil.

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De Brainard à Perec, passages de témoin.
publié le 26 juin 1997 à 4h44

Artiste photographe combinant image et texte («Suite vénitienne», «l'Homme au carnet», «l'Hôtel») et cinéaste («No Sex Last Night»), Sophie Calle a rencontré Joe Brainard dans des conditions tout à fait particulières.

«En 1978, je vivais en Californie. Un ami poète de Joe Brainard m'a montré des collages et des peintures miniatures que ce dernier faisait à l'intérieur de boîtes d'allumettes. Cela m'a intriguée. A l'époque, je faisais moi-même des boîtes dans lesquelles on regardait par de petits trous. Cet ami m'a donné l'adresse et le téléphone de Joe Brainard à New York, tout en me prévenant qu'il était très difficile à rencontrer, quasiment sauvage.

Je suis restée à New York pendant un mois. Un jour, j'ai appelé Joe Brainard. Pas de réponse. J'ai rappelé le lendemain. En vain. J'ai réessayé les jours suivants. Toujours sans résultat. Alors c'est devenu un jeu. J'appelais cinq, six, sept fois par jour, en laissant sonner le téléphone très longtemps, jusqu'à trente fois. Je me suis même dit que je ne quitterais pas New York sans avoir rencontré Joe Brainard. J'allais en bas de chez lui observer, attendre, me renseigner: c'était un entrepôt, dans lequel il n'y avait qu'un seul appartement, le sien. C'était le seul endroit de l'immeuble éclairé la nuit. Le dernier jour, j'ai encore téléphoné. Mais je n'ai laissé sonner qu'une fois, j'ai raccroché et j'ai immédiatement rappelé. Et Joe Brainard a décroché. Je lui ai dit que j'étais celle qui l'importunait depuis un mois par télép