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Libération
Critique

Rue des enfants perdus. De la correction paternelle aux bagnes d'enfants, les aléas de l'enfance difficile, dans une étude en creux sur la famille ouvrière et ses pratiques éducatives. Pascale Quincy-Lefebvre, Une histoire de l'enfance difficile (1880-fin des années 30), Economica, 438 pp., 250 F.

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publié le 10 juillet 1997 à 6h18

Enfant rebelle», «vicieux», «pervers», «bon à rien», «mauvaise

tête», «fille perdue», la liste est longue des mots servant à désigner l'enfant qui transgresse la norme familiale. Historienne, Pascale Quincy-Lefebvre s'est attachée à suivre le destin de ces enfants «difficiles» à un moment (le tournant des XIXe et XXe siècles) où s'affirme la notion d'adolescence et s'accélère le processus d'intégration sociale. Mobilisant d'impressionnantes ressources documentaires, son livre décrit les stratégies déployées par les familles ouvrières confrontées au problème de l'enfance irrégulière. Que faire de celui ou de celle qui n'obéit pas, refuse de travailler ou déshonore sa famille?

Une fois épuisées les formes ordinaires de la correction familiale (de la classique privation au martinet, ou «roudoudou»), les familles recouraient généralement à l'aide extérieure, c'est-à-dire au «placement». Deux voies s'offraient alors. En appeler au juge, au nom de la correction paternelle, pour faire incarcérer l'enfant dans un établissement pénitentiaire, ou recourir aux oeuvres d'assistance: sociétés de patronage, institutions religieuses, établissements de «réforme». Fortement contestée, la procédure de correction paternelle déclina lentement, délaissée par les familles pour qui elle ne fut bientôt qu'une extrémité, mais aussi par les juges qui se montrèrent plus sourcilleux dans son application. Chaque année cependant, à la fin du XIXe siècle, près de mille enfants, des garçons pour l'essentiel,