John Le Carré joue nolens volens son banco littéraire à chacun des
livres qu'il publie depuis la fin de la guerre froide. Il y entre une large part d'injustice de la part de la critique et d'une partie de ses lecteurs. Comme si le fait d'avoir inventé et fait vivre Smiley si longtemps devait constituer à jamais une forme d'épitomé contre laquelle devraient être inlassablement frottés les ouvrages ultérieurs. Or si l'on a raison de penser ce qu'on pense en ce moment du communisme en gros, que sa fin est sans doute durable il faut craindre alors que de la part des ultras du Le Carré première période, des inconditionnels du MI5 et des grandes manipulations entre «organes» de tous les pays, la condamnation ne soit itou: à perpétuité.
On admettra que certains ouvrages parus, disons, depuis la Maison Russie, qui fut paradoxalement le premier ouvrage de Le Carré vraiment «informé», par voyage et enquête sur place, sur l'ancien «empire du mal» alors saisi par la réforme gorbatchévienne avaient pu laisser craindre que la perte soudaine du matériau de base rende l'auteur un rien déboussolé. Un bizarre roman chez les trafiquants d'armes avait laissé perplexe. Notre jeu, avec un incontestable talent prémonitoire et géostratégique (contrairement à la légende, les deux vont rarement de pair) avait deviné le potentiel explosif de la situation dans le Caucase bien avant que la Russie ne manque de se perdre en Tchétchénie: Le Carré nous parlait certes formellement de l'Ingouchie voi