La vie toute nue, macabre et drôle, les scènes vécues de l'existence
sophistiquée ou naturelle de quelques spécimens certainement pas innocents du monde anglais contemporain, tel paraît être, au premier abord, le matériau malicieux des trois nouvelles contenues dans le recueil Histoires pour Matisse. Mais qu'on ne s'y trompe pas. Si Antonia Byatt s'est éloignée un instant du travail d'érudition et de la construction complexe de ses romans Possession et la Tour de Babel ce dernier vient tout juste de paraître outre-Manche, si elle ne se dissimule pas derrière les fastes et les labyrinthes de l'époque victorienne, c'est pour mieux nous entraîner vers l'intimité de sa réflexion d'analyste et d'écrivain. Et pour nous confronter avec le vertige qui la saisit face à la férocité du quotidien et à l'enseignement qu'elle en tire. Rappelons au passage que son premier travail d'universitaire fut un essai sur les romans de sa consoeur Iris Murdoch, dont l'influence demeure visible. En convoquant le travail du peintre Henri Matisse, en l'infiltrant pour ainsi dire à travers chacune des fictions de ce mince volume, Byatt a voulu rendre palpable, sans nulle pédanterie, la présence obsédante, au quotidien, du sublime de l'Art. L'héroïne des «Chevilles de Méduse» est une petite dame grassouillette et timide, écrivain de son état, qui fréquente un salon de coiffure dont le propriétaire s'est par hasard entiché d'une peinture de Matisse, le Nu rose. La symphonie en rose née de cette passion