Depuis le Sentiment géographique Michel Chaillou a un pied dans le Grand Siècle et l'autre dans le XXe. Lorsqu'il écrit, c'est avec le dictionnaire de Furetière sous le coude, une carafe de bordeaux et une plume d'oie. Car à force de vivre dans le passé, Chaillou y a pris ses habitudes. Il sait à peu près tout des temps où les rois s'appelaient Henri ou Louis et a écrit un Guide pédestre de la littérature au XVIIe (Hatier) qui du Pont-Neuf au cimetière des Innocents est aussi précis qu'un Baedecker. Cette hétérochronie n'a jamais amené ce locataire de l'Ancien Régime à faire du roman historique. Michel Chaillou n'est pas un «antiquaire», plutôt un brocanteur peu académique qui collectionne bouts de prose et de poésie. Un chiffonnier de la bibliothèque royale, quand la littérature errait sur les chemins à la recherche d'elle-même. Le Ciel touche à peine terre qui sort aujourd'hui est la parfaite défense et illustration d'un art du roman où Chaillou trouve dans les écrivains du passé, Montaigne, d'Urfé ou Théophile de Viau ses «extrêmes contemporains». A l'origine de ce livre, il y fort à parier que Chaillou est tombé amoureux d'un lieu et d'un nom: la Frise, cette région de la Hollande qui se nommait alors les Provinces-Unies et dont les habitants disputaient à la mer une terre précaire. Dans cette province, à Terhorne, vit la famille Mercerer dont le père a fui la France à la suite de l'assassinat d'Henri IV, le «renégat». Commerçant appartenant à la célèbre Compagnie
Critique
Chaillou, le Hollandais flottant.
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publié le 18 septembre 1997 à 8h19
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