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Libération
Critique

Constant innove. Prise à contre-pied, voire dépassée sous la Révolution puis l'Empire, la pensée politique de Benjamin Constant déploie pourtant une défense de la liberté individuelle étonnamment actuelle. Benjamin Constant, Principes de politique, Hachette-Pluriel, 448 pp., 65 F.

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publié le 18 septembre 1997 à 8h21

«Constant l'inconstant»: le mot est facile, mais s'il a été employé

du vivant même de Benjamin Constant, c'est qu'il trahissait quelque vérité. Etienne Hofmann, éditeur de la présente version des Principes de politique (1), ajoute encore: «A 39 ans, ce Suisse d'origine (il est né à Lausanne en 1767) peut apparaître sinon comme un inconnu, du moins comme un raté.» Benjamin Constant a certainement souvent semblé en retard d'un train, ou de quelques années, pour ne pas dire d'un siècle. Il a 22 ans quand la Révolution française éclate: trop tôt pour y prendre une part intellectuelle digne de ce nom, mais trop tard pour ne pas nourrir une «frustration» qu'il consolera sous le Directoire à coup de libelles et d'articles de circonstance dans la presse parisienne. L'époque est encore friande des pamphlets qui remplissent les gazettes, et des ragots de salons, dont celui de Mme de Staël qui a ouvert ses portes et son coeur au jeune politicien suisse.

Mais Benjamin Constant ne voit pas le vent tourner quand l'opinion devient précisément lasse de toute discussion politique. Lorsque Bonaparte renverse le Directoire et instaure le Consulat à vie, Constant est pris de court; il doit ranger dans ses tiroirs divers projets de traités politiques, et ravaler son militantisme républicain. Il tire cependant une leçon essentielle de ces aléas post-révolutionnaires: «Lui aussi va abandonner le modèle républicain, non pas en se ralliant à l'Empire, mais en changeant de critère dans son analyse: la